mardi 19 décembre 2017

Retrouver le goût perdu de Noël

Il a existé en moi, un jour. Mais il est parti. Ou alors il s'est caché. Cerné par les images criardes de pères-noëls clonés, de neige artificielle et de lutins idiots. Etouffé par les chansons qui passent ad nauseam dans tous les endroits publics. Rongé par la lèpre du marketing. J'ai beau fuir dès la fin novembre les centres commerciaux et la télé aux heures de grande écoute, l'injonction est partout, aussi tyrannique que dégoulinante de mièvrerie : il FAUT céder à la "magie de Noël". Injonction impossible, puisque cette magie réside dans ce qu'on ne voit pas et qu'on imagine, dans ce qu'on attend et ce qu'on espère. Or, je n'ai malheureusement plus sous la main des enfants en âge de me rebrancher en direct avec cette magie-là, la vraie. 
Et puis je suis tombée sur cette photo, et en moi, quelque chose a tressailli. Pas de la nostalgie (même si la cagoule de l'enfant de droite me rappelle furieusement celle que je portais au même âge). Mais une émotion pure, surgie de très loin. Ce doigt posé sur le verre épais de la vitrine, ce sérieux imperturbable...  Parce que oui, le désir, c'est du sérieux. Tout comme le mystère. 
Cette émotion-là, c'est celle de mon enfance. Je ne l'ai pas perdu, le goût de Noël. Je l'ai juste enfoui très profondément, bien à l'abri. Je suis bien contente que les marchands n'aient pas réussi à me le voler. 

samedi 9 décembre 2017

Le pyjama d'Adrienne

 "Rencontrer le président du Chili en combinaison d'aviateur ? Vous n'y pensez pas ! En pyjama de soie ? Vous plaisantez ! " Adrienne Bolland vient de traverser les Andes dans son petit avion. Et la communauté française du Chili est atterrée : l'héroïne du jour n'a rien à se mettre pour les cérémonies organisées en son honneur. "L'essentiel, n'est-ce pas, était qu'une femme qui vient de traverser les Andes en avion ne ressemble pas trop, tout de même, à une aviatrice", raconte-t-elle plus tard avec ironie. La suite est savoureuse : juste avant la réception, on lui fabrique à la hâte une tenue "convenable". Résultat : "Nous avions quatre bonnes heures de retard, la robe, le chapeau et moi." Adrienne s'en excuse auprès du président, en expliquant le problème. "Il éclata de rire, avec une décontraction qui eût fait honneur à la délégation française de Santiago". Convenant avec elle qu'elle est beaucoup plus élégante en pyjama de soie, il lui proposa de passer les troupes en revue ainsi vêtue. "Lorsque les Français me virent apparaître, je crus qu'on allait compter plusieurs crises cardiaques." 
C'est pour des anecdotes de ce genre que j'aime Adrienne : elle adore déranger l'ordre établi. Non par caprice. Plutôt par un goût immodéré de la liberté.  Et aussi une propension à s'amuser pour oublier que la vie peut être tragique...

jeudi 30 novembre 2017

Souvenir d'une rencontre

Photo : Isalide Dumartin
C'était il y a deux semaines déjà, au collège Montesquieu de la Brède, en Gironde. Alice Dufay et moi intervenions devant la classe de 4èE autour de "Rose Bertin". Le 18ème siècle, les métiers d'illustratrice et d'autrice, nos sources de documentation... les sujets s'enchaînent. Et puis les élèves nous offrent un aperçu des exposés qu'ils ont préparés autour de notre livre (et dont on devine la trace sur les tableaux d'affichage derrière nous). Moment précieux, qui témoigne que les mots et les dessins peuvent voyager pour se transformer et vivre une autre vie...  Dans l'émotion (et la nécessité de respecter les horaires, c'était la récré...), j'ai oublié de sortir mon appareil pour garder souvenir de ce joli moment. Isalide a eu la gentillesse de m'envoyer la photo qu'elle a prise de nous. Plutôt que ma tête a moi, j'aurais préféré retrouver leurs regards, leur sourire, leur vitalité... Mais ça me permet quand même de leur dire merci.

mardi 28 novembre 2017

Profil d'une femme de l'ombre

D'abord, le port de tête, d'une élégance folle. Et puis la ligne pure du profil, le nez parfaitement droit, les lèvres fines, le menton volontaire ; le teint diaphane où se devinent quelques taches de rousseur. Enfin, des cheveux qu'aurait pu chanter Baudelaire, "un rêve, plein de voilures et de mâtures." Cette femme est un miracle de force et de poésie. Adèle Henriette Nigrin aurait pu poser pour les peintres de la Renaissance. Mais elle est née en 1877, à Fontainebleau et c'est à Mariano Fortuny, de passage à Paris, qu'elle servit de modèle. Elle avait 30 ans et avait divorcé d'un premier mari. Elle le suivit à Venise et vécut avec lui sans passer par la case mariage. On la présenta longtemps comme "muse" de ce Fortuny qui inventa des tissus incroyables. Elle était bien plus que ça : Mariano reconnut lui-même à sa femme (par une note manuscrite inscrite sur le brevet déposé en 1909) la création de la robe Delphos, ce plissé brillant qui dansait autour du corps des femmes en les libérant de toute entrave. Le plissé Fortuny aurait dû s'appeler le plissé Nigrin.  La photo, elle, ne ment pas : sous nos yeux, cette femme vibre, tout entière tendue vers quelque chose. Et cet élan ressemble bien à un formidable appétit de création. 

jeudi 23 novembre 2017

J'ai découvert un trésor


Les archives numérisées de Gallica m'ont fait hier un de ces cadeaux magiques qui ensoleillent toute une journée. J'ai l'impression enfantine d'avoir déterré un trésor, dont je suis seule à goûter la saveur. Ce n'est qu'une photo, mais je ne l'avais encore jamais vue nulle part : Adrienne Bolland, radieuse, pose devant son Caudron G, en 1920. Elle n'est pas radieuse pour rien : elle vient d'obtenir son brevet de pilote. Et son sourire me raconte la fierté et la joie, la peur vaincue et les défis à venir. Un pied-de-nez magistral à tous ceux qui voudraient, après la guerre, voir les femmes regagner sagement le chemin du foyer. Son gros pull de laine et son bonnet de cuir ont beau la faire ressembler à un culbuto, cette femme-là est magnifique. Elle l'est restée jusqu'à sa mort, à 80 ans. 

lundi 20 novembre 2017

L'ombre de Séraphin

"Rose Bertin" de Sophie Guillou et Alice Dufay,
Collection Les petites histoires de la mode
Séraphin Richez était bonnetier et marchand de tissus à Bordeaux en 1778. Sur les registres de commerce de l'époque, c'est juste un nom. Dans mon roman "Rose Bertin", j'ai imaginé que ce garçon, nourri des idées des Lumières, avait aussi la taille bien faite et de grands yeux noirs. Il fallait bien cela pour séduire la marchande de mode de Marie-Antoinette (j'en suis d'ailleurs tombée moi-même un peu amoureuse). Il a rempli à merveille la mission que je lui avais confiée. Mais le pauvre, malgré la sincérité de ses sentiments, a dû s'effacer devant les impératifs romanesques. Il n'a pas réussi à se faire épouser. Sacrifié pour cause de réalité historique : dans la vraie vie, Rose Bertin ne s'est jamais mariée.
Son ombre m'a poursuivie ces jours derniers, tandis que je me rendais sur ses terres pour la fête du livre de Léognan. Séraphin méritait mieux que d'être abandonné comme une vieille chaussette. Au moment de reprendre mon train, devant la gare de Bordeaux, je lui ai rendu un hommage tardif. Pardon, Séraphin...

lundi 13 novembre 2017

Faire connaissance


Le paquet est arrivé ce matin, des mains de ma postière. A l'intérieur, une vingtaine de livres, sagement serrés sous leur pellicule de cellophane. Les déballer, d'un geste un peu fébrile, les feuilleter, caresser le velours mat de la couverture... A chaque fois, c'est le même rituel. Et la même question : est-ce qu'il est tel que je l'avais rêvé ?
Soudain, ce livre n'est plus une image sur l'écran de l'ordinateur. Il est devenu un objet, bien réel, là, au creux de ma main. Comme avec un nourrisson qui vient de naître, je fais connaissance avec lui. Je le hume, je le détaille sous toutes ses coutures, je me plonge dans ses pages.
Je dois en profiter. Bientôt, il me sera familier et je ne le verrai plus.
Et puis, il va vivre sa vie à lui. Il passera entre d'autres mains, sous d'autres yeux que les miens. Certains, peut-être, ne l'aimeront pas. Alors aujourd'hui, permettez que je le garde tout près de moi. Le temps de nouer des liens...




Cristobal Balenciaga, collection "Les petites histoires de la mode", Les Petits moustaches éditions, 17,50 euros.

samedi 11 novembre 2017

Il est paru !

Illustration : Alice Dufay 
"Cristobal Balenciaga", le quatrième opus des "Petites histoires de la mode" arrive cette semaine en librairie. A le voir à côté des trois autres, je me dis que notre collection, destinée à raconter la mode aux enfants, reflète bien la diversité que nous avions imaginée.
Car après Sonia Rykiel, voici venir son exact contraire. Balenciaga était aussi discret qu'elle était mondaine. Si elle affirmait ne jamais avoir appris à coudre, lui maniait l'aiguille et les ciseaux comme personne. Alors qu'elle prônait un vêtement sans ourlet ni coutures, il soignait les finitions avec un perfectionnisme maniaque. Et à l'âge où elle caracolait sur son vélo, il passait des heures sur sa machine à coudre (ce qui égratigne au passage certaines idées reçues sur les supposées natures masculine et féminine)...
Ils avaient toutefois un point commun : leur sensibilité à fleur de peau, qu'ils masquaient chacun à leur manière. C'est elle qui fit d'eux des couturiers singuliers, incompris parfois, tant leur liberté allait loin. Cette fragilité vient de leur enfance. Pour en savoir plus, n'hésitez pas à lire leur "petite histoire". Il n'y a pas d'âge pour se faire plaisir...

De quoi Balenciaga est-il le nom ?

Le rappeur Rick Ross
en chaussures Balenciaga 
"Tu fais un livre sur Balenciaga ? Sérieux ? " 
Quand mon fils de 20 ans m'a posé cette question, l'oeil allumé par la curiosité, j'avoue que j'ai été surprise. Je ne le savais pas aussi intéressé par les créateurs de mode des années cinquante. Quelques
explications plus tard, j'ai mieux compris.  

Balenciaga, aujourd'hui, c'est la marque de luxe qui chausse les footballeurs et les chanteurs de rap. Stylée, chère, hype, et surtout, terriblement bling-bling... 

Drôle de destin.



Photo de Richard Avedon 

Le Balenciaga que je raconte incarnait tout le contraire. 
L'homme était d'une discrétion rare. 
Quant à sa mode, elle pouvait être audacieuse, mais d'une rigueur implacable. 
Du coup, je me dis qu'on a eu une bonne idée de consacrer notre quatrième "Petite histoire de la mode" à ce créateur. Les enfants découvriront que Cristobal ne portait pas de sneakers et qu'il a inventé des robes qui tiennent toutes seules.  
"Les temps changent", chantait Solaar. Ca ne veut pas forcément dire que c'était mieux avant. Mais pour apprendre à quoi cela ressemblait, rien ne vaut les livres...  

vendredi 10 novembre 2017

Profession : autrice.

Jeune femme écrivant une lettre, Vermeer
J'ai sauté le pas. Hier, je suis devenue autrice. Depuis que j'ai découvert que ce mot avait été supprimé de la langue française par des grammairiens obtus du 17ème siècle, j'ai décidé de l'adopter. Depuis toujours, je tiens fermement que les mots ne sont pas neutres. Ils portent une vision du monde, une morale autant qu'une poésie. C'est tout à la fois leur force et leur danger. Autrice, donc ? Pas si simple. Car un mot, c'est aussi une musique. Et la mélodie de celui-là ne parvenait pas à m'entrer dans la tête.Trop nouveau. Donc étrange. J'avais beau convoquer le cortège des aviatrices, illustratrices, actrices et autres usines marée-motrices, je bronchais devant l'inconnu. Alors, doucement, je l'ai apprivoisé. Je l'ai taillé à mes mesures. J'ai joué avec lui. Et le voilà, enfin, au terme de longues semaines, sur mon blog et mon compte Facebook. Autrice. Finalement, je trouve que ça sonne plutôt bien. 

lundi 23 octobre 2017

L'intrépide et la libellule


Jour après jour, j'apprends à connaître Adrienne Bolland.
Intrépide, gouailleuse, insolente, elle a vécu 80 ans sans qu'aujourd'hui, à part dans le petit milieu de l'aviation, on se souvienne de son nom. Avoir la possibilité de la faire un peu sortir de l'ombre en écrivant un livre sur elle me met en joie.

La semaine dernière, les photos en noir et blanc ont pris des couleurs : j'ai vu voler son avion dans le ciel de la Ferté-Alais. Ce passage au technicolor a effacé pour un temps les années  qui  nous séparent. Il m'a surtout fait mesurer le culot insensé qu'il fallait
pour traverser les Andes sur un pareil rafiot.
Le Caudron G3 fait un bruit de pétrolette et il ressemble à une libellule. Une fois installé dans son siège, le pilote a tout le haut du corps exposé au vent. Et il ne dispose d'aucun instrument de navigation. De son exploit, pourtant, Adrienne  ne se gargarisait pas. Elle disait simplement : "L'aviation m'a fait découvrir mon royaume intérieur. C'est une chose que personne ne peut vous prendre." Ce royaume, je suis en train de l'explorer. Et c'est un sacré voyage...

mardi 17 octobre 2017

Un grain d'années folles

Un des plaisirs du roman, c'est de plonger dans des lieux et des époques qui ne sont pas les nôtres. Me voilà depuis quelques jours passagère en transit dans les années 20. Malgré le cheveu court alors de rigueur chez les garçonnes, ça décoiffe sévère ! Dans ces années d'après-guerre, tout va vite, tant il faut rattraper le temps perdu dans la boucherie qui vient de s'achever. Et les femmes (du moins, certaines d'entre elles) sont les premières à se jeter à corps perdu au coeur du tourbillon. Elles fument en public, elles apprennent à conduire, elles ont des amants... Adrienne Bolland pourrait être ce "mauvais sujet" qui fait la couverture de la Vie parisienne en septembre 1919. A cette date, elle s'apprête à prendre ses premières leçons de pilotage pour devenir aviatrice. En attendant, elle s'étourdit de bulles et de musique dans les dancings de Montparnasse. Cette liberté revendiquée il y a près de cent ans donne à réfléchir sur le long chemin de l'émancipation féminine, qui d'avancées exaltantes en déprimantes reculades, n'est toujours pas arrivée à destination...

mardi 10 octobre 2017

Elle, Adrienne...


C'est ma prochaine coloc'. Celle avec laquelle je vais vivre pendant quelques semaines. Et je suis drôlement contente qu'on se soit choisies. A son regard qui frise,  à son sourire narquois, je sais déjà qu'on va bien se marrer. 

Bon, ça n'a pas l'air d'être toujours quelqu'un de facile. Elle m'a prévenue : "j'ai un caractère de cochon". 

Son truc, c'est qu'elle ne voit pas pourquoi on l'empêcherait de faire ce qu'elle a envie. Forcément, ça ne plait pas à tout le monde. Mais quand elle plane, là-haut, personne ne peut rien lui dire. Elle est libre. 

Oui, je ne vous ai pas dit. Ma coloc' est aviatrice. Elle pilote comme personne des petits coucous qui bourdonnent comme des libellules. Elle a même traversé les Andes avec. 

Quand je la connaîtrai un peu mieux, je vous raconterai son histoire. Vous verrez, c'est un sacré personnage.

mercredi 4 octobre 2017

C'est joli, c'est intéressant, mais...

Photo : Richard Avedon


...Pourquoi la mode ? 



Cette question, je l'entends parfois quand je présente notre collection des Petites histoires de la mode. Je réponds qu'avec Sophie Gallo-Selva, l'éditrice, nous cherchons à communiquer aux plus jeunes notre goût commun pour les histoires et les vêtements qui font rêver. 

"Oui, d'accord, m'objecte-t-on, mais pourquoi ne pas plutôt choisir de faire la même chose avec des peintres, des écrivains ou des figures historiques ? " Derrière cela, il faut bien sûr entendre : "pourquoi accorder tant de place à quelque chose d'aussi futile ?" La critique peut même aller plus loin : en parlant de mode aux enfants, est-ce que nous ne les incitons pas à devenir esclaves des tendances, des apparences et des marques de luxe ? 

Je ne crois pas. Les histoires que je raconte sont souvent au contraire des récits d'émancipation : émancipation de femmes qui s'échappent de la condition où on les assigne, émancipation de créateurs qui font exploser les codes et les carcans... L'émerveillement face à la beauté n'empêche pas le recul, l'ironie, voire la critique du monde qui la produit. 

Et puis j'ai découvert autre chose : les petites histoires de la mode se partagent très volontiers. Quand je les dédicace, c'est de la part d'un grand-père pour sa petite fille, d'une quinquagénaire pour sa vieille maman, d'une jeune femme pour sa fille ("Mettez nos deux noms, on le lira ensemble"), d'une ado à sa meilleure copine, d'un mari à sa femme. C'est comme une passerelle entre gens qui s'aiment. Cette raison d'être de la collection, nous ne l'avions pas prévue. Mais c'est sûrement la plus belle. 

lundi 2 octobre 2017

Adios, Cristobal !

Dernier échange de corrections avant le "Bon à tirer" final, sur notre Cristobal Balenciaga, quatrième opus des Petites histoires de la mode
Finir un livre, c'est toujours un curieux mélange : d'un côté, le soulagement de se dire : "Basta !" On arrête là le cycle infernal des relectures, des pinaillages et des doutes. des corrections et des corrections de corrections. 
Mais de l'autre, il y a la nostalgie de ce qu'on va perdre. Je viens de passer plusieurs semaines avec Cristobal. J'ai essayé de me mettre dans sa tête, j'ai visité son village sur la côte basque, j'ai vu sa maison, j'ai lu plein de livres sur lui, j'ai rêvé sur ses robes... Et j'ai l'impression que je l'abandonne sur le bord de la route. 
Désormais, il va "vivre" sans moi, dans le regard de ceux qui découvriront son histoire. Alors, si vous le rencontrez, prenez bien soin de lui. C'est un garçon fragile...

mercredi 27 septembre 2017

Bibliothèque mon amour


"Comme la plupart des amours, l'amour des bibliothèques s'apprend. Nul ne peut savoir d'instinct, lorsqu'il fait ses premiers pas dans une salle peuplée de livres, comment se comporter, ce qu'on attend de lui, ce qui est autorisé. On peut se sentir horrifié -face à ce fouillis, cette ampleur, ce silence, ce rappel moqueur de tout ce qu'on ne sait pas, cette surveillance- et un peu de cette sensation écrasante peut demeurer encore après qu'on a appris les rites, qu'on s'est fait une idée de la géographie et que les indigènes se sont révélés amicaux." 

(La bibliothèque la nuit, d'Alberto Manguel)



Quand je lis ces mots, je repense à ma première expédition à la bibliothèque Sainte-Geneviève, un jour de l'automne 1982. Ce fut aussi la dernière. Je démarrais une hypokhâgne. Les profs avaient évoqué comme une évidence ce nom sacré où je devais trouver de quoi abreuver mon âme assoiffée d'étude.
Je n'ai rien vu de la beauté du lieu. Je cherchais juste à comprendre comment ça marchait. Des hommes en blouse grise poussaient des chariots. Des initiés farfouillaient dans des tiroirs de bois à la recherche de cotes auxquelles je ne comprenais rien. D'ailleurs, je ne connaissais même pas le mot. Cote ? Quote ? En tout cas, je ne l'avais pas, la cote, avec les gens du cru. Ni avec la dame qui recueillait religieusement le papier sur lequel on inscrivait nos desiderata, ni avec les studieux penchés sous leur opaline verte, qui levaient l'oeil d'un air excédé quand j'essayais de poser des questions. J'ai fini par partir en courant.
Heureusement, j'ai découvert Beaubourg dans la foulée. Puis beaucoup d'"indigènes amicaux" qui m'ont guidée au milieu des livres. Et j'ai appris à aimer les bibliothèques.
Pourquoi je raconte ça ?
Parce que samedi, je serai à la médiathèque de la Ferté-Alais pour une rencontre pleine de promesses. D'un côté des gens curieux, de l'autre moi, auteure inconnue prête à partager tout ce qui peut l'être sur le plaisir d'écrire. Et je me sens fière de cette invitation. Une médiathèque comme celle-là (je la connais bien, je la fréquente depuis une dizaine d'années), c'est tout ce que j'aime : des livres à foison, des films, des journaux, des jeux vidéos, un accueil souriant,  mais surtout des enfants qui parlent tout fort et qui sont ici chez eux. Un lieu de vie, quoi ! Un lieu où se rejoignent sans hiérarchie tous ceux qui continuent à aimer les histoires, qu'ils les lisent ou les écrivent. Et je me dis qu'on vit quand même une époque formidable...



samedi 23 septembre 2017

Balenciaga dans le miroir d'Irving Penn

L'exposition Irving Penn du Grand Palais montre certains des modèles Balenciaga qu'il a photographiés pour Vogue. Je ne sais pas si les deux hommes se connaissaient. Rien de moins sûr, tant ils étaient l'un et l'autre éloignés de toute vie mondaine.
Mais leur façon de travailler présente des ressemblances troublantes. Même perfectionnisme insatiable, même recherche de l'épure, même capacité à peaufiner leur oeuvre des jours durant... Balenciaga était parfois surnommé "le moine de la couture", tant il vivait éloigné du monde, tout entier tourné vers la réalisation d'une ligne idéale. Luc Desbenoit, dans Télérama, écrit à propos de Penn : "Rares sont les artistes aussi discrets. Penn a toujours préféré aux mondanités new-yorkaises l'enfermement monastique dans un laboratoire d'une propreté maniaque."
Deux moines pour une robe... Cela donne la "robe-chou" de 1967, une image qui dépasse la simple photographie de mode. Une splendeur noire, un objet textile non identifié, une sculpture onirique qui, cinquante ans après sa naissance, continue de diffuser une étonnante aura de mystère.
Rien que pour elle, il faut aller au Grand palais.

mardi 19 septembre 2017

Dans le bazar d'Harper




 Les recherches sur Internet sont une délicieuse errance, qui nous conduisent souvent ailleurs qu'à la destination prévue. Partie en quête d'un modèle de Balenciaga pour le prochain titre des Petites histoires de la mode, je me suis égarée dans le labyrinthe des photos de Harper's Bazaar, le magazine de mode le plus glamour dans les années 50. Et je découvre Lillian Bassman, une photographe que je ne connaissais pas. Son noir et blanc est somptueux... mais il n'était pas du goût de la red'chef de l'époque, Carmel Snow. Ele lui aurait dit : "Le couturier a voulu une colonne de mousseline et vous me faites un papillon. My dear, vous n'êtes pas ici pour faire de l'art, mais pour montrer les boutons et les noeuds." Lillian Bassman s'est obstinée.
Elle a bien fait.

mercredi 6 septembre 2017

Au boulot !






Rentrée studieuse, avec la rédaction d'un nouveau titre pour la collection "Les petites histoires de la mode". Pour la première fois,  il s'agira d'un homme, l'un des plus grands couturiers du siècle... Le roman se passe au tout début du XXème siècle. Les illustrations, qui s'annoncent sublimes, feront revivre les années cinquante et soixante... Levée du voile dans quelques jours ! 






Mais la rentrée, cela se traduit aussi par des rencontres avec les lecteurs. Trois rendez-vous s'annoncent dans les semaines à venir : 

- Les 16 et 17 septembre, je signerai mes livres à l'espace Culture de la Foire au haricot d'Arpajon.  Merci à Alain, libraire de la Plume du Page, qui souhaite ainsi mieux faire connaître les auteurs de l'Essonne.

- Le samedi 30 septembre, à 15 h, je serai à la médiathèque départementale Lazare Carnot de la Ferté-Alais pour une rencontre avec le public, suivie d'un petit moment de dédicace. 

- Le samedi 7 octobre, à 17h30, je présenterai avec Alice Dufay une lecture dessinée aux Rendez-vous de l'Histoire de Blois. 

A bientôt...

lundi 26 juin 2017

Première critique de "Sonia Rykiel" parue sur le blog "April-the-seven" il y a une dizaine de jours. Merci beaucoup à elle et à son analyse fouillée du livre, qui traduit parfaitement ce que nous avons cherché à faire avec la collection "Les petites histoires de la mode." La ligne éditoriale de Les petites moustaches met l’accent sur le genre historique tout en restant accessible pour les enfants. Les romans ne sont pas abrutissants ou exagérément édulcorés pour convenir aux jeunes, bien au contraire. D’une main de maître, les auteurs partagent avec nous une séquence de la vie de Sonia Rykiel, la célèbre styliste aujourd’hui décédée. On fait la connaissance d’une Sonia un peu sauvage, indocile et qui a tendance à rapidement monter dans les tours. Je dois avouer que j’ai beaucoup aimé sa compagnie. Loin de m’agacer, Sonia est une personne plus sensible que l’on pourrait le croire. Sa crinière rousse cache un cœur tendre et incertain. Découvrir cette grande styliste à l’époque où elle n’était encore qu’une petite fille avait quelque chose d’assez émouvant. C’est à ses côtés et à travers ses yeux que l’on lève le voile sur un décor particulier : l’Allemagne gagne du terrain et commence à avoir la mainmise sur le nord de la France. Les juifs français comme Sonia sont sur la corde raide et commencent à être déportés. Pourtant, cette partie de l’histoire est tout juste effleurée, un peu comme si Sonia s’évertuait à laisser tout cela en arrière-plan. On sent bien les horreurs qui sourdent et qui font mal, mais elles sont contrebalancées par la candeur et le caractère impétueux de notre petite héroïne. Bien qu’en partie biographique, Sonia Rykiel donne la part belle à notre imagination. On se plaît à l’imaginer pérégriner dans les bois, jouer avec ses sœurs ou encore piquer une colère contre sa mère. On la voit aussi faire grand cas de ses vieux vêtements. Le plus drôle, c’est de constater que sa passion pour le stylisme n’est pas née tout de suite. La graine était là, mais ne demandait qu’à s’ouvrir. Je ne peux pas terminer cette chronique sans parler de ce que renferment les dernières pages. Les auteurs les ont agrémentées de mannequins croquées dans des vêtements créés par Sonia, quelques années plus tard. C’est de cette manière que le lecteur découvre combien cette femme d’exception a révolutionné la mode de l’époque, en poussant les femmes à s’assumer, d’une certaine façon (pourquoi le pantalon devrait-il être l’apanage des hommes ?). C’est à travers ces œuvres que son tempérament ressort : Sonia Rykiel ne fait rien comme tout le monde, elle bouscule les codes et poussent les femmes à voir plus loin. Très ingénieux de la part des auteurs que de nous présenter la petite fleur à peine éclose, pour ensuite nous mettre face à la rose épanouie. On en vient à une seule conclusion : cette femme était remarquable. En résumé, Sonia Rykiel est une tranche de vie, un interlude charmant, qui mêle l’émotion à l’ombre fugace, mais néanmoins terrible, de la Seconde Guerre mondiale. Le récit, bien que court, est doté d’une très grande force narrative qui nous immerge totalement dans la vie de Sonia. Ce ne sont que 144 pages, mais 144 pages durant lesquelles j’ai eu l’impression de vraiment apprendre à connaître cette femme exceptionnelle, qui n’était encore qu’une petite fille insoumise refusant d’entrer dans la norme. J’ai également beaucoup apprécié les dessins qui agrémentent le texte, ainsi que les tenues exposées en fin d’ouvrage qui sont comme la cerise sur le gâteau. Je conseille ce roman à tout le monde. Il est léger, mais empreint d’une touche un peu noire par moment. Les enfants comprendront sans mal cette histoire et pourraient même se retrouver en Sonia, avec sa petite tête dure et sa langue bien pendue. Les adultes découvriront une histoire puissante dans sa fragilité, qui laisse forcément sa marque quelque part." .

lundi 19 juin 2017

Baptême champêtre

La première dédicace de Sonia Rykiel : le stylo hésite, peine à trouver les mots justes... Mais la chaleur humaine est là, qui l'emporte sur les doutes. Un grand merci aux ami(e)s et voisin(e)s qui sont venus samedi célébrer sous la tonnelle la naissance de mon nouveau livre.

jeudi 8 juin 2017

Elle arrive !

Couverture Sonia Rykiel Les petites histoires de la mode Sophie Guillou Alice Dufay


Tignasse au vent, Sonia Rykiel déboulera bientôt chez les libraires. Le troisième opus des Petites histoires de la mode est consacré à cette créatrice flamboyante, qui inventa pour les femmes une mode libre et délurée. 

Dans le roman, elle a douze ans, un caractère bien trempé, un amour immodéré pour ses soeurs et pour le vélo... Une manière de découvrir sous un autre jour ce personnage énigmatique. 

L'abécédaire, magnifiquement illustré par Alice Dufay, évoque quarante ans de création, des sixties aux années 2000. A feuilleter sans modération ! 


Les déceptions de Fanny

Elle s'appelait Fanny Flis, née Tesler. C'était une femme belle, blonde et élégante. qui faisait de la discrétion la première de tou...