jeudi 30 novembre 2017

Souvenir d'une rencontre

Photo : Isalide Dumartin
C'était il y a deux semaines déjà, au collège Montesquieu de la Brède, en Gironde. Alice Dufay et moi intervenions devant la classe de 4èE autour de "Rose Bertin". Le 18ème siècle, les métiers d'illustratrice et d'autrice, nos sources de documentation... les sujets s'enchaînent. Et puis les élèves nous offrent un aperçu des exposés qu'ils ont préparés autour de notre livre (et dont on devine la trace sur les tableaux d'affichage derrière nous). Moment précieux, qui témoigne que les mots et les dessins peuvent voyager pour se transformer et vivre une autre vie...  Dans l'émotion (et la nécessité de respecter les horaires, c'était la récré...), j'ai oublié de sortir mon appareil pour garder souvenir de ce joli moment. Isalide a eu la gentillesse de m'envoyer la photo qu'elle a prise de nous. Plutôt que ma tête a moi, j'aurais préféré retrouver leurs regards, leur sourire, leur vitalité... Mais ça me permet quand même de leur dire merci.

mardi 28 novembre 2017

Profil d'une femme de l'ombre

D'abord, le port de tête, d'une élégance folle. Et puis la ligne pure du profil, le nez parfaitement droit, les lèvres fines, le menton volontaire ; le teint diaphane où se devinent quelques taches de rousseur. Enfin, des cheveux qu'aurait pu chanter Baudelaire, "un rêve, plein de voilures et de mâtures." Cette femme est un miracle de force et de poésie. Adèle Henriette Nigrin aurait pu poser pour les peintres de la Renaissance. Mais elle est née en 1877, à Fontainebleau et c'est à Mariano Fortuny, de passage à Paris, qu'elle servit de modèle. Elle avait 30 ans et avait divorcé d'un premier mari. Elle le suivit à Venise et vécut avec lui sans passer par la case mariage. On la présenta longtemps comme "muse" de ce Fortuny qui inventa des tissus incroyables. Elle était bien plus que ça : Mariano reconnut lui-même à sa femme (par une note manuscrite inscrite sur le brevet déposé en 1909) la création de la robe Delphos, ce plissé brillant qui dansait autour du corps des femmes en les libérant de toute entrave. Le plissé Fortuny aurait dû s'appeler le plissé Nigrin.  La photo, elle, ne ment pas : sous nos yeux, cette femme vibre, tout entière tendue vers quelque chose. Et cet élan ressemble bien à un formidable appétit de création. 

jeudi 23 novembre 2017

J'ai découvert un trésor


Les archives numérisées de Gallica m'ont fait hier un de ces cadeaux magiques qui ensoleillent toute une journée. J'ai l'impression enfantine d'avoir déterré un trésor, dont je suis seule à goûter la saveur. Ce n'est qu'une photo, mais je ne l'avais encore jamais vue nulle part : Adrienne Bolland, radieuse, pose devant son Caudron G, en 1920. Elle n'est pas radieuse pour rien : elle vient d'obtenir son brevet de pilote. Et son sourire me raconte la fierté et la joie, la peur vaincue et les défis à venir. Un pied-de-nez magistral à tous ceux qui voudraient, après la guerre, voir les femmes regagner sagement le chemin du foyer. Son gros pull de laine et son bonnet de cuir ont beau la faire ressembler à un culbuto, cette femme-là est magnifique. Elle l'est restée jusqu'à sa mort, à 80 ans. 

lundi 20 novembre 2017

L'ombre de Séraphin

"Rose Bertin" de Sophie Guillou et Alice Dufay,
Collection Les petites histoires de la mode
Séraphin Richez était bonnetier et marchand de tissus à Bordeaux en 1778. Sur les registres de commerce de l'époque, c'est juste un nom. Dans mon roman "Rose Bertin", j'ai imaginé que ce garçon, nourri des idées des Lumières, avait aussi la taille bien faite et de grands yeux noirs. Il fallait bien cela pour séduire la marchande de mode de Marie-Antoinette (j'en suis d'ailleurs tombée moi-même un peu amoureuse). Il a rempli à merveille la mission que je lui avais confiée. Mais le pauvre, malgré la sincérité de ses sentiments, a dû s'effacer devant les impératifs romanesques. Il n'a pas réussi à se faire épouser. Sacrifié pour cause de réalité historique : dans la vraie vie, Rose Bertin ne s'est jamais mariée.
Son ombre m'a poursuivie ces jours derniers, tandis que je me rendais sur ses terres pour la fête du livre de Léognan. Séraphin méritait mieux que d'être abandonné comme une vieille chaussette. Au moment de reprendre mon train, devant la gare de Bordeaux, je lui ai rendu un hommage tardif. Pardon, Séraphin...

lundi 13 novembre 2017

Faire connaissance


Le paquet est arrivé ce matin, des mains de ma postière. A l'intérieur, une vingtaine de livres, sagement serrés sous leur pellicule de cellophane. Les déballer, d'un geste un peu fébrile, les feuilleter, caresser le velours mat de la couverture... A chaque fois, c'est le même rituel. Et la même question : est-ce qu'il est tel que je l'avais rêvé ?
Soudain, ce livre n'est plus une image sur l'écran de l'ordinateur. Il est devenu un objet, bien réel, là, au creux de ma main. Comme avec un nourrisson qui vient de naître, je fais connaissance avec lui. Je le hume, je le détaille sous toutes ses coutures, je me plonge dans ses pages.
Je dois en profiter. Bientôt, il me sera familier et je ne le verrai plus.
Et puis, il va vivre sa vie à lui. Il passera entre d'autres mains, sous d'autres yeux que les miens. Certains, peut-être, ne l'aimeront pas. Alors aujourd'hui, permettez que je le garde tout près de moi. Le temps de nouer des liens...




Cristobal Balenciaga, collection "Les petites histoires de la mode", Les Petits moustaches éditions, 17,50 euros.

samedi 11 novembre 2017

Il est paru !

Illustration : Alice Dufay 
"Cristobal Balenciaga", le quatrième opus des "Petites histoires de la mode" arrive cette semaine en librairie. A le voir à côté des trois autres, je me dis que notre collection, destinée à raconter la mode aux enfants, reflète bien la diversité que nous avions imaginée.
Car après Sonia Rykiel, voici venir son exact contraire. Balenciaga était aussi discret qu'elle était mondaine. Si elle affirmait ne jamais avoir appris à coudre, lui maniait l'aiguille et les ciseaux comme personne. Alors qu'elle prônait un vêtement sans ourlet ni coutures, il soignait les finitions avec un perfectionnisme maniaque. Et à l'âge où elle caracolait sur son vélo, il passait des heures sur sa machine à coudre (ce qui égratigne au passage certaines idées reçues sur les supposées natures masculine et féminine)...
Ils avaient toutefois un point commun : leur sensibilité à fleur de peau, qu'ils masquaient chacun à leur manière. C'est elle qui fit d'eux des couturiers singuliers, incompris parfois, tant leur liberté allait loin. Cette fragilité vient de leur enfance. Pour en savoir plus, n'hésitez pas à lire leur "petite histoire". Il n'y a pas d'âge pour se faire plaisir...

De quoi Balenciaga est-il le nom ?

Le rappeur Rick Ross
en chaussures Balenciaga 
"Tu fais un livre sur Balenciaga ? Sérieux ? " 
Quand mon fils de 20 ans m'a posé cette question, l'oeil allumé par la curiosité, j'avoue que j'ai été surprise. Je ne le savais pas aussi intéressé par les créateurs de mode des années cinquante. Quelques
explications plus tard, j'ai mieux compris.  

Balenciaga, aujourd'hui, c'est la marque de luxe qui chausse les footballeurs et les chanteurs de rap. Stylée, chère, hype, et surtout, terriblement bling-bling... 

Drôle de destin.



Photo de Richard Avedon 

Le Balenciaga que je raconte incarnait tout le contraire. 
L'homme était d'une discrétion rare. 
Quant à sa mode, elle pouvait être audacieuse, mais d'une rigueur implacable. 
Du coup, je me dis qu'on a eu une bonne idée de consacrer notre quatrième "Petite histoire de la mode" à ce créateur. Les enfants découvriront que Cristobal ne portait pas de sneakers et qu'il a inventé des robes qui tiennent toutes seules.  
"Les temps changent", chantait Solaar. Ca ne veut pas forcément dire que c'était mieux avant. Mais pour apprendre à quoi cela ressemblait, rien ne vaut les livres...  

vendredi 10 novembre 2017

Profession : autrice.

Jeune femme écrivant une lettre, Vermeer
J'ai sauté le pas. Hier, je suis devenue autrice. Depuis que j'ai découvert que ce mot avait été supprimé de la langue française par des grammairiens obtus du 17ème siècle, j'ai décidé de l'adopter. Depuis toujours, je tiens fermement que les mots ne sont pas neutres. Ils portent une vision du monde, une morale autant qu'une poésie. C'est tout à la fois leur force et leur danger. Autrice, donc ? Pas si simple. Car un mot, c'est aussi une musique. Et la mélodie de celui-là ne parvenait pas à m'entrer dans la tête.Trop nouveau. Donc étrange. J'avais beau convoquer le cortège des aviatrices, illustratrices, actrices et autres usines marée-motrices, je bronchais devant l'inconnu. Alors, doucement, je l'ai apprivoisé. Je l'ai taillé à mes mesures. J'ai joué avec lui. Et le voilà, enfin, au terme de longues semaines, sur mon blog et mon compte Facebook. Autrice. Finalement, je trouve que ça sonne plutôt bien. 

Les déceptions de Fanny

Elle s'appelait Fanny Flis, née Tesler. C'était une femme belle, blonde et élégante. qui faisait de la discrétion la première de tou...