L'état-civil est parfois menteur. Il prétend qu'on est adulte, alors qu'on n'a toujours pas réglé sa crise d'adolescence. Les romans, tout imaginaires qu'ils soient, disent parfois mieux la vérité. C'est pourquoi, sans doute, les miens parlent-ils souvent des émotions de l'enfance et de la difficulté de grandir. Ce blog est leur vitrine. Mais il devient aussi un espace où je publierai mes coups de coeur du moment. Et il ne demande qu'à se transformer en lieu d'échanges si vous le souhaitez...
lundi 10 décembre 2018
Le charme désuet du bigoudi
Si tout à coup, cette scène du passé me rattrape avec autant de force, c'est peut-être parce que les mots ont un âge, eux aussi. Ma grand-mère usait de ceux de sa génération. Elle ne disait pas "chaussures", mais "souliers". Elle n'allait pas faire des courses, mais ses commissions. Elle ne regardait pas le journal télévisé, mais le bulletin.
lundi 12 novembre 2018
Sortir des limbes
Photo : Sarah Moon |
Le moment est à la fois exaltant et difficile. Cela fait déjà plusieurs jours que je recule devant le grand saut. Car en se coltinant à la matière résistante du réel, on s'expose forcément à la déception. Il faut briser le rêve ténu du roman parfait. Sortir du flou, c'est risquer la chute.
Au bout du chemin, que l'on pressent long et semé d'embûches, on ne se souviendra plus très bien de cette ébauche vaporeuse qui a alimenté tant de songes. Elle aura été effacée par le roman achevé, moins beau que ce qu'on avait imaginé, mais plus riche des doutes, des ratures, de toutes les idées qui viennent en chemin et qu'on n'avait pas prévues. Il faut maintenant partir à la rencontre de cet inconnu. Et pour cela, renoncer à un idéal qui n'existera jamais...
samedi 3 novembre 2018
Perdue dans le triangle des Bermudes
Elle visitait l'expo de Willy Ronis avec sa mère et sa petite soeur. C'est du moins ce que j'ai imaginé. Onze ans, peut-être douze, une réserve grave, des yeux rêveurs. Pendant que sa soeur papillonnait d'une salle à l'autre, elle portait une attention sage aux photos et aux petits films qui jalonnaient le parcours. Et puis elle est tombée en arrêt devant un cliché de nu. Elle n'a pas cherché à cacher sa curiosité. Elle est restée une bonne minute, immobile, à scruter l'image, comme aimantée par ce corps sans tête.
Je me suis demandé à quoi elle pensait. Voyait-elle dans cette femme un être semblable à elle ou, au contraire, trop différent ? Une promesse d'avenir ou une vague menace ? J'ai essayé de me souvenir de moi au même âge. Je n'ai pas vraiment réussi. Et j'ai fini par me perdre, moi aussi, dans ce petit triangle noir des Bermudes. L'énigme insondable d'un sexe féminin.
dimanche 28 octobre 2018
Ensemble et séparément
"Deux personnages - la lecture", de Pablo Picasso (1934) |
lundi 15 octobre 2018
L'esprit des lieux
Dentelle mousseuse et balconnet pigeonnant : certains modèles imaginés par Azzedine Alaïa pour sa collection printemps/été 1992 laissent échapper sous une apparente modernité un délicieux parfum 18ème siècle.
Ce n'est pas une inspiration surgie de nulle part. A l'époque, le créateur vient d'acquérir un îlot de bâtiments anciens en plein coeur du Marais pour y installer son atelier, ses bureaux et son domicile. Au moment des travaux, il effectue des recherches sur ces lieux et découvre que 250 ans plus tôt, ils furent fréquentés par une jeune inconnue nommée Jeanne-Antoinette Poisson. Elle y apprenait les "arts d'agrément". Enseignement sûrement très fécond pour celle qui deviendra la marquise de Pompadour. C'est en hommage à cette figure mythique de l'histoire de France qu'Alaïa créa sa collection. Une exposition conçue par Olivier Saillard nous retrace sa genèse. L'occasion de découvrir les lieux mêmes qui ont inspiré le couturier, de voir "en vrai" des modèles immortalisés par des photos de mode de l'époque... et aussi de rêver à la muse invisible qui l'inspira, exquise marquise à la tête bien faite qui sut asseoir son pouvoir à Versailles à la force de sa beauté, mais aussi de son esprit. L'Alchimie secrète d'une collection, jusqu'au 6 janvier 2019, Galerie Azzedine Alaïa, 18 rue de la Verrerie, 75004 Paris
mardi 30 janvier 2018
Les bonnes résolutions de Lucy
Une nouvelle année, c'est l'occasion de repartir d'un bon pied. Surtout quand on a tendance à glisser les-dits pieds dans la même chaussure. Devenue lycéenne, Lucy a décidé de tutoyer la perfection. Voici ses dix bonnes résolutions pour 2018. Quoi ? Il y a déjà un mois qu'elle est commencée, l'année ? Et alors ? Excusez-moi, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire...
1- Prendre soin de la planète, parce que c'est méga-important. DONC : plus de bain brûlant le dimanche matin, sauf cas de dépression aiguë, de love catastrophe ou de clash violent avec ma soeur, ce boulet.
2- Perdre
3-Lire l'intégrale de Marcel Proust. Hier, un mec en Terminale L, avec des yeux à tomber, en parlait au self avec un pote. Il disait que c'était de la bombe (enfin, c'est surtout lui qui est de la bombe).
4- Quand j'en aurai fini avec Marcel, aborder le Terminale-aux-yeux-d'acier pour en discuter amicalement avec lui. Voire plus si affinités.
5- Me remettre au sport. La natation, c'est mort, le hip-hop, on oublie : pas envie de me refaire un torticolis. Peut-être le tae-kwan-do ? Ca peut toujours servir en cas de drague relou.
6- Trouver un petit boulot pour gagner de la thune. Livreuse de pizza à vélos ? Distributrice de flyers ? Bof. Brancher Jessica sur le sujet. Elle aura sûrement une idée.
7- Etre gentille. C'est très tendance. Gentille mais pas niaise non plus, faut pas pousser.
8-Me faire un tatouage. Une mouette sur l'épaule. Ou alors une licorne en bas du dos.
9-Etre présente sur les réseaux sociaux, mais pas trop. Genre la meuf qui n'a pas besoin d'un million de likes pour survivre. Bref, garder sa dignité.
10- Arrêter de remettre au lendemain ce que je peux faire tout de suite.
Donc, commencer par rapporter immédiatement cette tablette de chocolat dans le placard de la cuisine, même s'il ne reste plus que deux carrés. Euh, plus qu'un.
Bon, mettre l'emballage dans la poubelle verte. Cette année, promis, je trie mes déchets. Ce qui me ramène à ma résolution n°1.
Finalement, c'est plutôt cohérent, ce programme.
mardi 16 janvier 2018
Le bal de Cendrillon
Bien sûr, tout dans cette exposition était exceptionnel : sa superficie, courant sur les deux ailes du musée des Arts décoratifs ; sa scénographie, variée, inventive, grandiose ; l'accumulation des objets offerts aux regards, innombrables, telle une poésie surréaliste où les oeuvres d'art voisinent avec les robes du soir, où les peintures tutoient les chaussures, où la beauté se niche dans les moindres détails.
Mais le succès de l'expo Dior n'en est pas moins incroyable : plus de 700.000 visiteurs, soit le double de ce qui était attendu, certains prêts à piétiner quatre heures sous la pluie dans le vacarme des moteurs et les gaz d'échappement de la rue de Rivoli... Quelle promesse les faisait rester, patients et têtus, sur ce bout de trottoir ?
La réponse est peut-être dans le titre de l'affiche : "Christian Dior, couturier du rêve". Oui, la haute couture a ce pouvoir de nous transporter dans une dimension autre, qui n'est plus tout à fait la réalité. Parce qu'elle est rare, à peine entrevue dans les pages des magazines. Parce qu'elle est un luxe que bien peu d'entre nous peuvent s'offrir. Parce que, pour quelques minutes, face à une robe du soir miroitant de cristaux, nous sommes Cendrillon avant le bal, prête à la métamorphose... Et peu importe au fond que ce bal n'ait jamais lieu. Il est sans doute encore plus beau de n'exister que par la force de notre imagination. Il suffit d'une citrouille pour faire un carrosse et d'une salle de musée pleine de fleurs en papier pour redevenir un enfant.
mercredi 3 janvier 2018
Le nouvel agenda
Il attendait depuis plusieurs semaines dans un tiroir que 2017 prenne ses cliques et ses claques. Un jour de novembre, j'avais craqué pour le trait bleu de Maurice Denis, la texture veloutée de la couverture et les trésors des pages intérieures, des fragments de poèmes, des estampes, des copies de manuscrits, transformant le fil des jours en guirlande de petits bonheurs.
Aujourd'hui le voilà sur mon bureau et dans mon sac, enfin légitimé par le calendrier. Ravie, je le caresse, retrouvant sous mes doigts le plaisir enfantin du cahier neuf. Le cahier neuf, comme l'agenda nouveau, c'est la promesse de tous les possibles à venir, l'illusion que cette année, on va faire les choses bien. A fond. Sans une rature ni un pâté, sans que les pages ne se cornent ni ne se déchirent... Bien sûr, au fond de soi, on n'est pas dupe. On sait bien que ce n'est pas possible. On soupçonne même que ce sont les ratures qui rendent parfois la vie si précieuse. Mais en ce trois janvier, le temps a encore l'aspect d'une feuille blanche, lisse et candide. Et cela me procure une certaine allégresse... Bonne année à tous !
Aujourd'hui le voilà sur mon bureau et dans mon sac, enfin légitimé par le calendrier. Ravie, je le caresse, retrouvant sous mes doigts le plaisir enfantin du cahier neuf. Le cahier neuf, comme l'agenda nouveau, c'est la promesse de tous les possibles à venir, l'illusion que cette année, on va faire les choses bien. A fond. Sans une rature ni un pâté, sans que les pages ne se cornent ni ne se déchirent... Bien sûr, au fond de soi, on n'est pas dupe. On sait bien que ce n'est pas possible. On soupçonne même que ce sont les ratures qui rendent parfois la vie si précieuse. Mais en ce trois janvier, le temps a encore l'aspect d'une feuille blanche, lisse et candide. Et cela me procure une certaine allégresse... Bonne année à tous !
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