mercredi 1 mai 2019

Gais grelots de mai


Mon petit jardin n'est pas rancunier. J'ai beau le négliger depuis quelques saisons, dépassée par le lierre qui attaque en conquistador, le chèvrefeuille dont l'étreinte finit par étouffer ses voisins comme un boa vorace, les tailles qui ont trop attendu... il continue de m'offrir des trésors cachés dans la mousse et les broussailles. Cette année le muguet a poussé dru à l'ombre du muret. Pour le remercier d'être là, j'ai cherché une littérature qui sache lui rendre grâce. Dans ce genre d'exercice, Colette ne me déçoit jamais. A déguster en humant le brin cueilli ce matin : 
"Une religion d'almanach nous attache à la fleur, même malingre, quand elle symbolise une saison, à sa couleur quand elle commémore un saint, à son parfum s'il nous rend douloureusement une félicité morte. Presque toute une nation exige le muguet comme le pain, au printemps. N'était sa fragrance démesurée, hors de toute logique - j'écrirais de toutes convenances -, le muguet est une maigre fleurette à campanules ronds d'un blanc vert. Elle se hausse au-dessus des feuilles sèches, à l'heure de l'année où choient les premières pluies chaleureuses, gouttes lourdes qui entraînent, délient les arabesques simples échappées au bec du merle et les premières notes, d'une sphéricité lumineuse, jaillies des premiers rossignols... Je tâte timidement, j'invente un rapport indicible entre la goutte laiteuse des muguets, le pleur de pluie tiède, la bulle cristalline qui monte du crapaud "
Extrait de Prisons et paradis. 

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