lundi 27 mai 2019

Une rencontre

                                                         


Il arrive qu'une oeuvre vous oblige à vous arrêter, même quand ce n'est pas elle que vous étiez venue voir. Elle s'adresse à vous, elle vous envoie un message que vous n'êtes pas sûre de comprendre, mais qui vous enjoint de rester longuement face à elle, dans un dialogue        silencieux. 
 C'est le cas de cette Madone à l'enfant découverte un après-midi de pluie au musée des Beaux Arts de Lyon. Je ne sais pourquoi celle-ci plutôt qu'une autre. Sans doute sa présence dense, charnelle, encore réchauffée par la couleur de la terre cuite dans laquelle elle est modelée. Ou alors son intériorité insondable et mélancolique, qui contraste avec l'insouciance de l'enfant. 
Tout ce que je sais d'elle, c'est qu'elle a été sculptée en Italie du nord au début du 15ème siècle par un artiste dont on ignore le nom. J'aurais aimé en savoir plus, elle me paraissait tellement mystérieuse, j'ai tourné plusieurs fois dans la salle sans me décider à partir. J'ai fini par la laisser à son enfant, vaincue, un peu jalouse peut-être. Si vous avez la chance de la voir, dites-lui que je pense souvent à elle... 

mercredi 15 mai 2019

Ecole buissonnière

Ce matin, j'ai séché le boulot.
J'avais pourtant commencé ma journée bien comme il faut, assise à l'heure à mon bureau après avoir expédié les affaires courantes.
J'ai beau ne pas avoir de chef sur le dos, j'ai gardé des habitudes de bonne élève.
Mais derrière la vitre, le ciel était trop bleu. Il m'est revenu que dans les chemins creux, j'avais aperçu l'autre jour des seringas en bouton. Et j'ai filé à l'anglaise, un sécateur à la main.
C'était délicieux. Délicieux le chant des oiseaux, délicieuse la danse des graminées dans le vent, délicieuse la terre du chemin sous le pied, ameublie par les pluies de la semaine passée... Ivre de lumière, j'ai cueilli des brassées de fleurs, genêt et seringa, ça sentait si bon.. Et puis j'ai rencontré un chat en vadrouille. Dans son regard d'opale, j'ai lu comme un reproche. A l'évidence, je le dérangeais dans sa solitude. J'ai d'abord souri, et puis je lui ai donné raison.Je n'avais pas à être là.
J'ai tenté intérieurement de me défendre. Je ne fais de tort à personne en désertant mon poste de travail. Mon roman avancera juste un peu moins vite, voilà tout. Peut-être même qu'après, mon efficacité redoublera, dopée par la nécessité de rattraper le temps perdu. Piteuses excuses, auxquelles je ne crois pas moi-même. Et d'ailleurs, c'est mieux ainsi.  Sans doute l'école buissonnière ne peut-elle se goûter sans cette pointe de culpabilité. Le plaisir quand il est coupable, prend souvent une saveur supplémentaire. Le pêché, aujourd'hui, avait le parfum du seringa. Ce parfum qui embaume en ce moment-même tout mon bureau et me chuchote que l'âme est faible et que l'échappée fut bien belle... 


mercredi 1 mai 2019

Gais grelots de mai


Mon petit jardin n'est pas rancunier. J'ai beau le négliger depuis quelques saisons, dépassée par le lierre qui attaque en conquistador, le chèvrefeuille dont l'étreinte finit par étouffer ses voisins comme un boa vorace, les tailles qui ont trop attendu... il continue de m'offrir des trésors cachés dans la mousse et les broussailles. Cette année le muguet a poussé dru à l'ombre du muret. Pour le remercier d'être là, j'ai cherché une littérature qui sache lui rendre grâce. Dans ce genre d'exercice, Colette ne me déçoit jamais. A déguster en humant le brin cueilli ce matin : 
"Une religion d'almanach nous attache à la fleur, même malingre, quand elle symbolise une saison, à sa couleur quand elle commémore un saint, à son parfum s'il nous rend douloureusement une félicité morte. Presque toute une nation exige le muguet comme le pain, au printemps. N'était sa fragrance démesurée, hors de toute logique - j'écrirais de toutes convenances -, le muguet est une maigre fleurette à campanules ronds d'un blanc vert. Elle se hausse au-dessus des feuilles sèches, à l'heure de l'année où choient les premières pluies chaleureuses, gouttes lourdes qui entraînent, délient les arabesques simples échappées au bec du merle et les premières notes, d'une sphéricité lumineuse, jaillies des premiers rossignols... Je tâte timidement, j'invente un rapport indicible entre la goutte laiteuse des muguets, le pleur de pluie tiède, la bulle cristalline qui monte du crapaud "
Extrait de Prisons et paradis. 

Les déceptions de Fanny

Elle s'appelait Fanny Flis, née Tesler. C'était une femme belle, blonde et élégante. qui faisait de la discrétion la première de tou...