mardi 28 novembre 2017

Profil d'une femme de l'ombre

D'abord, le port de tête, d'une élégance folle. Et puis la ligne pure du profil, le nez parfaitement droit, les lèvres fines, le menton volontaire ; le teint diaphane où se devinent quelques taches de rousseur. Enfin, des cheveux qu'aurait pu chanter Baudelaire, "un rêve, plein de voilures et de mâtures." Cette femme est un miracle de force et de poésie. Adèle Henriette Nigrin aurait pu poser pour les peintres de la Renaissance. Mais elle est née en 1877, à Fontainebleau et c'est à Mariano Fortuny, de passage à Paris, qu'elle servit de modèle. Elle avait 30 ans et avait divorcé d'un premier mari. Elle le suivit à Venise et vécut avec lui sans passer par la case mariage. On la présenta longtemps comme "muse" de ce Fortuny qui inventa des tissus incroyables. Elle était bien plus que ça : Mariano reconnut lui-même à sa femme (par une note manuscrite inscrite sur le brevet déposé en 1909) la création de la robe Delphos, ce plissé brillant qui dansait autour du corps des femmes en les libérant de toute entrave. Le plissé Fortuny aurait dû s'appeler le plissé Nigrin.  La photo, elle, ne ment pas : sous nos yeux, cette femme vibre, tout entière tendue vers quelque chose. Et cet élan ressemble bien à un formidable appétit de création. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les déceptions de Fanny

Elle s'appelait Fanny Flis, née Tesler. C'était une femme belle, blonde et élégante. qui faisait de la discrétion la première de tou...